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Les élections américaines, live from Philly
3 septembre 2008

Convention républicaine, la vérité est ailleurs...

L'avant-dernier jour de la convention s'est donc achevé. Mike Huckabee et Mitt Romney en guise d'entrée en matière, où ils n'ont presque pas mentionné McCain mais se sont plutôt occupés de démolir Obama. Ils ont été suivis par un autre candidat à la présidentielle de cette année, Rudy "11 septembre" Guiliani lui-même. Il s'est bien défoulé en sortant mille et une piques acérées, sa voix remplie de sarcasme durant tout son discours. Il s'est même moqué de Barack Obama de changer de position sans arrêt (la grande tactique utilisée avec succès en 2004 contre John Kerry), ajoutant: "J'espère pour Joe Biden qu'il s'est bien assuré d'avoir une garantie écrite qu'il sera bien le vice-président".

Ce n'est qu'à 22h30 (heure de la côte est) qu'apparaît celle que tout le monde attendait, Sarah Palin. Après toutes les histoires négatives sorties dernièrement, il faut dire que la barre n'était pas placée très haut. Son discours avait entièrement été écrit pour elle et elle l'a répété durant plusieurs jours avec les aides de McCain pour la coacher. Habituellement, les politiciens travaillent avec les rédacteurs pour mettre la touche finale (Obama semble y prendre une part beaucoup plus active, pour sa part), mais avec un discours si important pour quelqu'un qui ne s'était jamais auparavant adressé à la nation entière, il fallait un pro. Le discours était audacieux (voire hargneux) et a plutôt consisté à attaquer Obama. Même à attaquer Obama sur son manque d'expérience... Evoquant le travail de Obama en tant que militant de quartier ('community organizer'), elle déclare qu'être maire d'un village est un peu pareil, "sauf que l'on a de vraies responsabilités". Elle ajoute qu'il a rédigé deux mémoires, mais aucune loi ou réforme importante. Qu'il peut donner un discours sur les guerres que mène l'Amérique et ne jamais utiliser le mot "victoire", à part lorsqu'il parle de sa propre campagne. C'était sanglant et les délégués républicains étaient en délire.

Qu'en penser? D'abord, il était frappant de voir l'aplomb avec lequel elle a pu aligner des remarques clairement incorrectes, voire carrément mensongères. Même l'Associated Press, dont l'impartialité est dernièrement très controversée (le chef de Washington roule pour les républicains et a songé être conseiller de McCain), a démonté quelques faussetés. Peu de médias vont jusqu'à utiliser le "L-word" (liar), mais plusieurs corrections sont apportées. Par exemple:

"J'ai protégé les contribuables en faisant cesser les dépenses inutiles, et j'ai été en première ligne de la réforme pour mettre fin aux dépenses clientélistes du congrès. J'ai dit "non merci" au congrès concernant le Bridge to Nowhere".
Voilà qui nécessite quelques explications. Les fameux "earmarks" sont les fonds alloués par le congrès à une circonscription pour certains projets précis, des requêtes faites par les députés en échange de leur soutien à telle ou telle législation. Les représentants et sénateurs sont friands de ce type de méthode qui leur permet d'obtenir des financements pour leur région et ainsi s'attirer les bonnes grâces de leurs électeurs. McCain est un farouche opposant de ce genre de méthodes et veut y mettre fin. Un de ces projets consistait à construire un pont devisé à 400 millions de dollars entre la petite ville de Ketchikan, au sud de l'Alaska (7000 habitants) et l'île presque inhabitée où se trouve son aéroport, de façon à éviter la traversée en ferry. En 2005, le sénateur Ted Stevens a été très critiqué pour son refus de transférer les fonds prévus pour le pont en faveur de l'aide aux zones sinistrées par l'ouragan Katrina. Finalement, le projet a été abandonné alors même que les fonds avaient été versés. Le pont a été surnommé "Bridge to Nowhere" (pont vers nulle part) et est devenu une risée nationale symbolisant le gaspillage des fonds publics.
Le problème est que Sarah Palin a été très active pour obtenir ce genre de fonds pour l'Alaska. Durant ses deux ans en tant que gouverneur, elle a demandé 750 millions de dollars en fonds fédéraux, de loin la plus grande somme par habitant de tout le pays. Et bien qu'elle prétende le contraire, elle a été une grande supportrice du Bridge to Nowhere jusqu'à ce qu'il devienne clair que ça ne fonctionnerait pas, et a alors changé de position. En tant que maire de Wasilla elle a activement recherché des earmarks pour sa ville.

Concernant sa remarque sur le fait que Obama a écrit deux livres mais aucune loi au Sénat, l'AP corrige: "Par rapport à McCain est ses deux décennies au Sénat, Obama a bien sûr un bilan plus mince. Mais il a travaillé avec des républicains pour des lois visant intercepter des armes de destruction massive. Rabaisser ceci revient à rabaisser le sénateur républicain Dick Lugar, une voix respectée de politique étrangère au Sénat. En Illinois, il a mené plusieurs grandes mesures cruciales.

Elle a bien sûr agité le spectre des impôts, disant qu'il allait augmenter toutes sortes d'impôts et ainsi alourdir la charge fiscale sur les Américains à coups de milliards de dollars. Ce n'est évidemment pas vrai, comme déjà expliqué précédemment.

Lorsque McCain affirme: "Elle est gouverneur de notre plus grand état, responsable de 20% des sources d'énergie du pays. J'espère que l'on continuer à prétendre que mener une campagne politique est comparable à être à la tête de l'exécutif du plus grand état d'Amérique", il exagère. Palin est gouverneur de l'Alaska qui est le deuxième état par la production de pétrole, mais elle n'est pas plus responsable de cette ressource que ne l'était Bush lorsqu'il était gouverneur du Texas. En fait, sa prérogative principale est de fixer les taxes sur l'essence, ce qu'elle a fait de concert avec le parlement de l'Alaska. Et alors que l'Alaska est plus grand état des USA, McCain aurait très bien plus l'appeler le "47e état"... par la population.

De même, il dit que Palin est "commandante en chef de l'armée nationale de l'Alaska. Elle a été aux commandes et elle la sécurité nationale a été l'une de principales responsabilités". En fait, les gouverneurs sont responsables des unités de leur état, mais leur autorité se termine dès que ces unités sont déployées pour un vrai service militaire. Lorsque les unités sont déployées en Irak ou en Afghanistan, par exemple, les troupes répondent du département fédéral de la défense et non de leurs gouverneurs. Notons encore que les unités de la garde de l'Alaska comptent 4'200 personnes, une des plus petites organisations d'état.

Il y a plus fort: l'ancien candidat Mike Huckabee a carrément dit: "Palin a reçu davantage de votes pour sa campagne de maire de Wasilla que Joe Biden n'en a reçus lors de sa campagne présidentielle". En fait, Palin a reçu 616 voix lors de l'élection municipale de 1996, et 909 lors de sa réélection en 1999, pour un total impressionnant de 1'525. Lorsque Biden a abandonné la course à la présidentielle après les caucus de l'Iowa, il a quand même reçu 76'165 voix dans 23 états.

Il y a aussi Mitt Romney qui affirme: "Il nous faut du changement, c'est vrai: du changement d'un Washington libéral à un Washington conservateur! Voici un remède pour tous les Américains qui veulent du changement à Washington: éjecter les libéraux si dépensiers et élire John McCain et Sarah Palin". Peut-être faut-il lui rappeler que c'est George W. Bush, un républicain conservateur, qui a été président pendant huit ans? Et que jusqu'à l'année dernière, les républicains contrôlaient le Congrès...

Alors, le discours de Sarah Palin? De quoi tout révolutionner? Les critiques sont en général élogieuses. Elle a sans doute contribué à réveiller le parti et les délégués étaient aux anges. Elle a fait des merveilles pour motiver la base républicaine... mais paradoxalement elle a sans doute aussi fait des merveilles pour électriser la base démocrate. La moquerie est allée un peu trop loin. Ils ont joué la carte du "Obama n'aime pas l'Amérique, seulement lui-même" encore et encore. Pour les électeurs qui ont déjà tendance à le penser (c'est-à-dire la base républicains pure et dure), le discours était un succès retentissant. Peut-être que ceux-ci travailleront plus fort ou contribueront davantage à la campagne. Mais les démocrates partisans également... Palin a réussi à ridiculiser la notion de community organizer, de même que Giuliani.

Obama ne s'est pas gêné pour répondre: voyez ici la vidéo.

A la question: "En quoi est-ce que l'expérience de community organizer est significative pour la présidence?", il rétorque: "Voilà qui est très curieux. Ils n'ont pas parlé du fait que j'étais un avocat des droits civils, ou que j'ai enseigné le droit constitutionnel, mon travail à la législature de l'état, ou au Sénat, ils se sont arrêtés sur les 3 années où j'ai été community organizer, juste après mes études. Comme si j'allais passer à la présidence 2 à 3 après l'université. Je dirai que travailler dans les quartiers, essayer de créer des emplois, aider les communautés qui ont eu un passage difficile, rassembler les gens, mettre sur pied des programmes de formation dans les régions frappées durement par la fermeture des usines, cela est seulement significatif pour comprendre d'où je viens, en qui je crois, pour qui je me bats et pourquoi je suis candidat. La question que j'ai pour eux est: En quoi ce type de travail serait-il ridicule? Pour qui se battent-ils? Que représentent-ils? Pensent-ils que les vies de ces gens qui luttent chaque jour, que travailler pour aider à améliorer leurs vies n'est pas important pour la présidence? Je pense que cela fait partie du problème, qu'ils sont déconnectés de la réalité et ne comprennent pas parce qu'ils n'ont pas passé beaucoup de temps à travailler pour ces gens."

Bref, nous verrons dans les prochains sondages ce qui va se passer. McCain va sans doute gagner un peu, mais reste à savoir dans quel mesure ces gains seront durables.

Ah oui, si vous avez le courage, voici la vidéo du discours de Sarah Palin. Et celle de Rudy Giuliani.

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