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Les élections américaines, live from Philly
31 janvier 2008

Retour sur la descente aux enfers de Giuliani

Certes, Giuliani a misérablement échoué dans sa course à la présidentielle. Certes, il n'a pas été très habile dans sa campagne, et n'a pas su jouer de façon optimale les cartes qu'il avait en main. Mais il faut bien reconnaître qu'il n'avait pas un jeu si impressionnant.

Fin 2007, sa campagne espérait vivement qu'aucun candidat ne se détache rapidement dans les premiers états. Ces voeux ont été exaucés: Huckabee a dépassé Romney en Iowa. McCain a battu Romney dans le New Hampshire.  Romney s'est vengé dans le Michigan et dans le Nevada. McCain a battu Huckabee en Caroline du Sud. Trois gagnants différents pour cinq états, il était difficile d'avoir une situation plus équilibrée. Alors, que s'est-il passé?

Certes, aucun grand favori ne s'était détaché, et la situation était très incertaine avant la Floride. En revanche, la grave erreur qu'ils ont faite est d'ignorer que les choses marchent également réciproquement: plusieurs gagnants différents ont fait en sorte que les électeurs se répartissent entre différents candidats, mais il est clair que les premières défaites humiliantes de Giuliani n'allaient pas lui attirer beaucoup de soutien. Les électeurs aiment se regrouper autour d'un winner, et si aucun d'entre eux n'a été grandiose, ils n'allaient tout de même pas se retrouver avec ce loser qui n'arrive même pas à atteindre les 5% des voix dans la plupart des premiers états, cela fait un peu désordre quand même...

Ce n'est évidemment pas la seule raison de son échec retentissant: un de ses anciens associés a été inculpé en novembre, et c'est à cette époque que ses courbes de sondages ont commencé à chuter dramatiquement. Une seconde période de chute régulière s'est amorcée début janvier lors des premières primaires. Il est donc probable que les ennuis judiciaires de son collaborateur aient contribué aux soucis politiques de Rudy.

Mais une autre difficulté est qu'il aurait mieux dû travailler pour s'approprier un message clair et porteur. Oui bien sûr, le 11 septembre... Mais il en a tellement usé et abusé qu'il est en devenu risible. Comme l'a bien dit le candidat démocrate Joe Biden lors d'un débat, lorsque Giuliani fait une phrase, il utilise un nom, un verbe et "11 septembre"... D'ailleurs, personne n'a jamais été élu président après n'avoir été "que" maire, même si la ville en question compte 8 millions d'habitants (d'ailleurs, seuls une dizaine d'état américains sur 50 sont plus peuplés que la ville de New York)! Traditionnellement, ce sont plutôt les sénateurs ou les gouverneurs qui sont élus présidents. Là, Giuliani a peut-être cherché à sauter une étape, et certains électeurs ont pu se demander si son CV de seul maire et "héros du 11 septembre" justifiait qu'il contourne les passages obligés au Congrès ou à la tête d'un état. Bizarrement, il n'a pas réussi à faire passer la pilule avec un message assez fort pouvant relier ses résultats à New York avec le programme qu'il se proposait de mettre en oeuvre à la Maison Blanche. Du coup, il n'est finalement pas si surprenant que les électeurs de Floride aient jugé McCain et Romney plus aptes à assumer la tâche.

Pour sa défense, reconnaissons qu'il n'était pas très avantagé par le calendrier, qui a placé des états assez peu favorables pour lui en tête. Huckabee était très fort avec les évangéliques, qui constituent une part importante des républicains de l'Iowa, McCain a toujours été très proche du New Hampshire (qu'il avait déjà gagné en 2000), Romney venait du Michigan, et a pu être aidé par la participation des Mormons dans le Nevada... En outre, il faut avouer que la stratégie controversée de Giuliani visant à tout miser sur la Floride était plus une nécessité qu'un vrai choix. Car il a bien tout tenté dans les premiers états: il a beaucoup investi en Iowa avant de se retirer en août, réalisant qu'il ne pourrait pas gagner. Encore plus dans le New Hampshire, où il a tenu une centaine de réunions (presque autant qu'en Floride) avant de jeter l'éponge. Il ne faut donc pas croire que sa stratégie "tout-pour-la-Floride" était son premier choix: c'était plutôt le plan B, pour ne pas dire la dernière chance.

En conclusion, Giuliani n'a jamais vraiment été dans une réelle position de force, contrairement à ce que les premiers sondages pouvaient laisser croire. Au contraire, il était plutôt désavantagé par rapport aux premières élections, et sa campagne n'a hélas pas fait grand chose pour y remédier. Giuliani a espéré à tort pouvoir s'affranchir des premiers états sans dommage, et n'a jamais trouvé le moyen de gérer l'inculpation de son associé, ainsi que d'autres scandales plus ou moins croustillants. En outre, la campagne n'a jamais vraiment développé un message attrayant, si crucial dans le cas de sa biographie peu conventionnelle...

Il ne lui reste plus qu'à donner des conférences lucratives sur sa gestion admirable - que dis-je, héroïque - du 11 septembre! Mais je suis peut-être une mauvaise langue...

Pat - still live from Florida

 

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